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- Les orchidées dans le Vallon de l’Hermance
Le vallon de l’Hermance, avec ses coteaux boisés, ses prairies fleuries et ses zones humides, est un site privilégié pour la flore rare du canton de Genève. Parmi les plantes qui y trouvent refuge, les orchidées sauvages occupent une place à la fois emblématique et fragile. Ces fleurs, longtemps associées à l’exotisme, existent bel et bien dans nos contrées : on en dénombre près de 70 espèces en Suisse, dont une trentaine dans le bassin genevois. Leur présence dans le vallon témoigne de la richesse écologique du site et de la qualité de ses habitats semi-naturels.
Les orchidées sauvages du vallon se distinguent par leurs formes singulières et leurs stratégies de reproduction sophistiquées. Contrairement à beaucoup d’autres plantes, elles ne produisent pas de nectar : elles attirent leurs pollinisateurs grâce à des leurres visuels ou olfactifs. Les ophrys, par exemple, imitent l’apparence et l’odeur des insectes femelles pour tromper les mâles, qui, en tentant une pseudo-copulation, assurent la pollinisation. Ce raffinement écologique illustre le lien étroit entre la plante et la faune qui l’entoure.
Plusieurs espèces notables peuvent être observées dans le vallon de l’Hermance. L’Orchis pourpre (Orchis purpurea), reconnaissable à ses fleurs violettes ponctuées de taches sombres, et l’Orchis singe (Orchis simia), dont les fleurs ressemblent à de minuscules primates, fleurissent au printemps dans les prairies maigres alors que l’Orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis) illumine les prés de son rose vif au moins de juin. Dans les milieux ouverts ou proche des lisières, on rencontre également la Platanthère à deux feuilles (Platanthera bifolia) ainsi que la plus rare Céphalanthère à longues feuilles (Cephalantera longifolia), toutes deux discrètes avec leurs fleurs d’un blanc délicat, ou encore l’Acéras homme-pendu (Aceras anthropophorum), dont les fleurs avec leur labelle allongé évoquent un petit pantin suspendu au gibet. L’Ophrys abeille (Ophrys apifera), séduit par ses pétales imitant l’insecte dont elle porte le nom, comme le fait également la frêle Ophrys mouche (Ophrys insectifera).
Ces orchidées sont d’autant plus précieuses qu’elles dépendent d’équilibres écologiques subtils. En effet, leur germination nécessite l’association avec des champignons mycorhiziens spécifiques, sans lesquels la graine ne peut germer et se développer. Elles sont également très sensibles aux modifications de l’usage des sols : l’abandon du fauchage traditionnel, l’intensification agricole ou l’urbanisation galopante entraînent souvent leur disparition. Dans un site comme le vallon de l’Hermance, la gestion des prairies et des boisements joue donc un rôle décisif dans leur préservation.
La diversité des orchidées du vallon illustre l’importance de maintenir des pratiques agricoles extensives, de protéger les lisières et prairies maigres ainsi que de préserver la continuité des habitats naturels. Ces fleurs, fragiles mais fascinantes, incarnent la richesse d’un patrimoine naturel menacé. Leur observation constitue une invitation à mieux comprendre les liens complexes entre plantes, sols, champignons et insectes. Préserver les orchidées du vallon de l’Hermance revient ainsi à sauvegarder bien plus que de belles fleurs : c’est défendre un réseau d’interactions écologiques irremplaçables.
liens :
> https://www.infoflora.ch/fr/
> https://www.orchisauvage.fr/
> https://patrimoine-vert-geneve.ch/flore-sauvageImages de P. Schmitz, de haut en bas :
1 : Orchis pourpre Orchis purpurea
2 : Orchis singe Orchis simia
3 : Orchis pyramidal Anacamptis pyramidalis
4 : Platanthère à deux feuilles Platanthera bifolia5 : Céphalanthère à longues feuilles Cephalantera longifolia
6 : Acéras homme-pendu Aceras anthropophorum
7 : Ophrys abeille Ophrys apifera
8 : Ophrys mouche Ophrys insectifera
- Les insectes dans le Vallon de l’Hermance
Le vallon de l’Hermance, situé à l’est du canton de Genève, est un écrin de nature préservée où se rencontrent forêts, prairies sèches, lisières ensoleillées et cours d’eau sinueux qui représente l’un des couloirs écologiques du canton de Genève. Cet environnement varié constitue un habitat privilégié pour une multitude d’espèces animales et végétales. Parmi elles, les insectes occupent une place centrale : discrets pour certains, spectaculaires pour d’autres, ils assurent des fonctions écologiques essentielles comme la pollinisation, la décomposition de la matière morte et le maintien des équilibres naturels.
La diversité entomologique du vallon est remarquable. Les nombreux insectes qui y vivent témoignent de la richesse des milieux et de la qualité écologique du vallon. Des coléoptères, liés au bois comme la Saperde perforée (Saperda perforata) dont les larves se nourrissent des branches dépérissantes de peupliers, attestent du bon état de conservation des forêts, tandis que les libellules, comme le Caloptéryx vierge (Calopteryx virgo), indiquent la qualité des eaux. Les prairies fleuries accueillent une multitude d’abeilles sauvages, indispensables à la pollinisation des plantes à fleurs. Ces communautés, bien que souvent discrètes, sont de précieux bioindicateurs. Observer cette mosaïque vivante, c’est mieux comprendre les rouages invisibles qui assurent la santé et la vitalité des écosystèmes locaux.
Parmi les insectes du vallon, les papillons de nuit ou phalènes occupent une place toute particulière. Souvent éclipsés par l’élégance diurne de leurs cousins papillons de jour plus familiers du grand public, ils n’en sont pas moins variés et fascinants. Leur diversité est même bien supérieure. On en dénombre à Genève environ 1’800 espèces, contre à peine 120 espèces diurnes, et le vallon de l’Hermance en héberge plusieurs centaines. Certaines arborent des couleurs vives et des motifs étonnants, utilisés comme signaux de défense comme l’Ecaille chinée (Euplagia quadripunctaria), tandis que d’autres se confondent avec l’écorce des arbres ou les feuilles mortes grâce à leur mimétisme particulier. On y rencontre par exemple la Phalène du sureau (Ourapteryx sambucaria), qui compte parmi les plus grandes espèces de Géometridae, ou encore le Bombyx du chêne (Lasiocampa quercus) et du hêtre (Stauropus fagi) dont les chenilles se nourrissent des feuilles des arbres qui peuplent le vallon et auxquels elles sont étroitement liées.
Ces lépidoptères nocturnes sont de précieux indicateurs de la santé des milieux naturels. Leur présence en abondance témoigne de la richesse floristique du vallon et de la préservation des haies, prairies et lisières forestières dont ils dépendent. En se nourrissant du nectar des fleurs, ils participent eux aussi à la pollinisation, souvent à des heures où les abeilles et les papillons diurnes sont absents, en particulier sur des plantes qui s’ouvrent ou diffusent leur parfum à la tombée de la nuit, telles que le chèvrefeuille ou certaines orchidées. Leur cycle de vie, de la chenille au papillon, illustre la fragilité des équilibres écologiques : la disparition de certaines plantes-hôtes entraînerait immanquablement le déclin de certaines espèces.
La richesse en papillons de nuit du vallon de l’Hermance témoigne donc de l’équilibre subtil entre végétaux et animaux. Préserver la diversité des insectes, et en particulier celle des papillons de nuit, revient donc à protéger bien plus qu’un groupe discret d’animaux. C’est garantir la continuité des interactions qui maintiennent le vallon de l’Hermance vivant et foisonnant. En valorisant ces richesses, la fondation contribue à rappeler que la beauté de la nature ne se révèle pas uniquement sous la lumière du jour, mais aussi dans le bruissement et les ailes délicates qui animent la nuit.
Image 1 : Saperde perforée Saperda perforata (P. Schmitz)
Image 2 : Caloptéryx vierge Calopteryx virgo (P. Schmitz)
Image 3 : Phalène du sureau Ourapteryx sambucaria (P. Schmitz)
Image 4 : Bombyx du chêne Lasiocampa quercus (P. Schmitz)
Image 5 : Bombyx du hêtre Stauropus fagi (P. Schmitz)liens :
> https://www.faunegeneve.ch/index.php?m_id=20025
> https://pibg.ch/formation-et-sensibilisation/groupes-invertebres/lepidopteres/
- La Société entomologique de Genève au Vallon de l’Hermance
Sous un soleil printanier, la Société entomologique de Genève (SEG) s’est retrouvée le samedi 17 mai 2025 dans le vallon de l’Hermance pour une journée de prospection.
Equipés de parapluies japonais, de tamis, de filets entomologiques et d’un aspirateur à insectes, les participants sont partis à la recherche d’arthropodes insoupçonnés de ce site riche en biodiversité.
Chaque capture, réalisée avec les autorisations de l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature, était l’occasion d’admirer la richesse des insectes et araignées dans ce vallon. Ces précieuses observations ont été partagées sur la plateforme faunegeneve.ch, contribuant ainsi à mieux connaître et à protéger la biodiversité genevoise.
liens :
G. Cuccodoro – prospection dans le vallon de l’Hermance
de gauche à droite :
- Caloptéryx vierge Calopteryx virgo (G. Cuccodoro), une espèce de libellule qui affectionne les cours d’eau.
- Araignée-loup Pyratula knorri (P. Loria), une des 34 espèces d’araignées observées lors de la sortie de la SEG.
- Petit Capricorne Cerambyx scopolii (G. Cuccodoro), une espèce de coléoptère dont les larves se développent dans le bois
- Plaidoyer pour des pastilles (parfois) incomprises
Depuis quelques temps, vous aurez sans doute remarqué ces poteaux aux entrées du Vallon de l’Hermance et sur les sentiers qui longent la rivière. Il semblerait que ces consignes ne soient pas toujours bien comprises. À plusieurs reprises ces pastilles ont été vandalisées.Elles méritent donc quelques explications :
En préambule, soulignons la beauté de ce lieu, mais hélas tout autant sa fragilité et son appauvrissement relatif face aux pressions démographiques et aux changements climatiques. Rappelons également que l’objectif de la fondation du Vallon de l’Hermance est de maintenir, autant que faire se peut, ce site dans son état naturel pour le plus grand bénéfice de ses usagers actuels et surtout à venir.
Signification des pastilles
Elle représente une famille en promenade, soulignant ainsi les valeurs ludiques et éducatives de ce site naturel, ainsi que sa mise à disposition du public, autant pour des activités de loisirs et/ou d’observation que comme réservoir de biodiversité.
Une des plus polémique : elle invite les propriétaires de chien à les tenir en laisse du 1 avril au 15 juillet. Pourquoi ?
Les chiens, vous l’aurez remarqué sont de plus en plus nombreux le long de l’Hermance, on y observe régulièrement des promeneurs de chiens professionnels accompagnés parfois d’une dizaine de toutous.
Durant cette période (du 1er avril au 15 juillet), pour beaucoup d’animaux, petits et grands, c’est la période de reproduction. Citons entre autres les chevreuils (Capreolus capreolus), les blaireaux (Meles meles), les renards (Vulpes vulpes), et plusieurs autres petits mammifères. De nombreux oiseaux nichent au sol et sont particulièrement vulnérables comme le troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes), le cingle plongeur (Cinclus cinclus), plus commun : le rouge-gorge (Erithacus rubecula) et bien d’autres encore.
Rappelons que tous les chiens (Canis lupus) descendent du loup et sont donc intrinsèquement des prédateurs. Bien entendu, il n’est pas ici question d’une quelconque méchanceté ou d’un défaut d’éducation, il s’agit simplement d’un instinct sauvage, naturel et inné. Les chiens (et leurs propriétaires) n’y peuvent rien.
Pour eux, un animal immature sans défense est au mieux un jouet, au pire une proie. Seul l’usage d’une laisse offre une protection crédible aux nouvelles générations sauvages durant cette période. Bien entendu certains (vieux) chiens sont inoffensifs, mais comment faire la distinction ?
Remercions en passant les propriétaires qui ramassent les déjections de leurs amis canins (un peu moins ceux qui décorent les sous-bois de leurs sachets colorés et garnis).Cette pastille encourage à une observation attentive des richesses du Vallon. La photo peut y contribuer, le dessin peut-être plus encore. La simple contemplation n’est pas mal non plus. Une meilleure observation (attention) entraine un plus grand respect. C’est du moins ce que nous aimons croire !
Elle devrait se passer de commentaire, mais, bonne nouvelle : l’usager du Vallon est généralement, sur ce plan, fort discipliné. Il y a peu de déchets. Certains vont même jusqu’à ramener les quelques épaves résiduelles dans les poubelles ou containers disposés aux deux entrées du Vallon, qu’ils en soient également remerciés.
L’usage des vélos et plus encore les passages de chevaux, outre qu’ils favorisent la formation de fondrières, provoquent un tassement important du sentier. En privant le sol d’oxygène, ils fragilisent des arbres déjà bien mal en point.
Le piétinement des promeneurs, le réchauffement climatique, l’alternance de périodes de sécheresse de plus en plus longues et d’épisodes pluvieux importants, des tempêtes d’automne et d’hiver accompagnées de forts vents, ainsi que la recrudescence de maladies et de parasites indigènes ou exotiques chalarose des frênes (Hymenoscyphus fraxineus), pyrale (Cydalima perspectalis) et cylindrocladium du buis, processionnaires du pin (Thaumetopoea pityocampa) et bien d’autre encore sapent déjà l’équilibre et la santé de ces bois, il est donc inutile d’en rajouter.
Le triste mikado des troncs couchés tout au long de la rivière en témoigne.Les emplacements de tentes et plus encore les foyers qui se multiplient en été, outre qu’ils stérilisent le sol sur des surfaces parfois importantes, représentent un danger d’incendie de plus en plus réel en période de sécheresse.
Souvent (et logiquement hélas), ce sont les plus beaux et les plus riches endroits qui sont choisis pour ces campements.Là encore, la cueillette des fleurs, activité bucolique et innocente s’il en est, n’est pas sans conséquence sur la pérennité de la flore. Par exemple, deux espèces d’orchidées, Céphalanthère rouge (Cephalanthera rubra) et Orchis brulé (Orchis ustulata) ont semble-t-il disparu du vallon ces dernières années, d’autres se font rares.
Certaines espèces, encore relativement abondantes, sont menacées à terme par des cueillettes traditionnelles devenues trop importantes p. ex. l’ail des ours (Allium ursinum) et l’aspergette (Ornithogalum pyrenaicum).
Il est à noter que la flore n’est pas uniquement menacée par la cueillette, le dérèglement climatique et l’offensive parfois massive de plantes invasives : Laurelles (Prunus laurecerasus), Bambou divers, Solidage (Solidago canadiensis), Robinier (Robinia pseudoacacia), etc. contribuent également à son dépérissement.Voilà en quelques lignes les raisons qui nous ont décidés à afficher ces pastilles aux entrées du Vallon de l’Hermance. Les pressions démographiques et climatiques vont encore augmenter ces prochaines années. La capacité de résilience du Vallon est mise toujours plus à l’épreuve. Il faudra donc que nous soyons encore plus prévenants avec ce précieux héritage. Malgré les désagréments et/ou les changements que cela représente, nous sommes persuadés que les promeneurs de ce bout de nature auront à cœur de participer à sa préservation en suivant, malgré les relatives contraintes, ces quelques consignes.
Merci d’avance !!!
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